Rien de tel qu’un essai longue durée pour jauger le potentiel d’une voiture. C’est comme dans le domaine équestre, à moins d’être un grand cavalier il faut du temps pour s’habituer à un nouveau cheval.
Dans la Turbo, on est assis bas, très bas, surtout si comme moi on baisse le siège au maximum. Quand je reprends l’Audi, j’ai l’impression d’être juché. A l’entrée du parking, la serrure de la porte automatique paraît bien haute. Certaines personnes demandant à s’asseoir au volant ont eu de la peine à ressortir de la voiture ! Les réglages multiples du siège et du volant permettent à la longue de trouver la position idéale. Le siège sport est un exemple de confort et de maintien latéral. Le volant est de la bonne grandeur, ni trop vertical, ni trop horizontal, et sa jante épaisse offre une bonne prise. Rien à redire sur la direction assistée. La garde au toit est largement suffisante, même pour des personnes de 190 cm voire plus. Le levier de changement de vitesses est placé exactement au bon endroit, il est agréable au regard et au toucher et le passage des vitesses est facile et rapide. Son débattement est suffisamment court pour renoncer au réducteur de course. Les pédales sont bien positionnées, l’embrayage n’est pas trop dur et très progressif. Un repose-pied largement dimensionné complète le tableau.
Démarrons le moteur, un grondement sourd, caverneux, à la fois feutré et très présent, on sent le gros moteur. L’autre jour, j’étais dans le garage souterrain à côté de l’Audi dont le moteur tournait au ralenti et je n’entendais que celui de la Porsche garée 20 m plus loin. Les passants se retournent souvent quand j’arrive derrière eux. A l’usage son bruit est beaucoup plus agréable que celui des moteurs atmosphériques poussés, basses fréquences obligent. De nos jours, il vaut mieux ne pas se faire remarquer par des extravagances acoustiques, surtout en ville, car c’est plutôt mal vu. Bref à chacun ses goûts, mais comparer le bruit de la Turbo à un aspirateur est ridicule car inexact, c’est devenu une idée reçue au même titre que l’histoire des mygales dans les yuccas.
Il vaut mieux bien doser l’embrayage et l’accélérateur en démarrant, sinon on risque de caler ou d’emboutir la voiture devant soi.
Le plus bluffant avec laTurbo c’est sa polyvalence, elle est à l’aise partout, en ville, sur route, autoroute, en montagne et sur circuit. Chaussée de pneus d’hiver, vous partez skier sans arrière-pensée, j’ai pu la tester sur la neige (c’était en fait une 996 Turbo), la motricité est parfaite et le PSM la maintient sur des rails. Faites quand même attention dans les descentes enneigées, le moteur arrière ne demande qu’à passer devant, les lois de la physique sont incontournables. ! Elle ne convient toutefois pas comme voiture unique (même si elle est unique en son genre) à cause de sa faible garde au sol et de son volume de chargement limité.
L’amortissement est ferme, surtout à basse vitesse et sur mauvaise route, mais dans les autres situations la voiture reste étonnamment confortable grâce au PASM, dont ne bénéficiaient pas les modèles précédents. Ce pilotage électronique des amortisseurs, fort réussi au demeurant, représente un immense progrès des 997 sur les 996. Le roulis est inexistant, en tout cas insensible, même à haute vitesse. Pas de cabrage lors de démarrages canon, pas de plongée en cas de freinage appuyé. Parlons-en du freinage : im-pres-sion-nant ! Il est d’une puissance inimaginable, mieux vaut avoir attaché sa ceinture sinon la tête risque de traverser le pare-brise; et grâce à la position du moteur en porte-à-faux, l’arrière ne risque pas de se soulever. Son endurance est à l’avenant, elle n’est jamais prise en défaut, même à la fin de longues descentes de cols en été et à fond la caisse, c’est très sécurisant.
Vous savez comme moi que bloc-moteur de la 997 Turbo dérive du bloc course modulaire des GT1, GT2 et GT3, caractérisé par son gros alésage (100 mm) et ses cylindres revêtus de Nikasil. Les chiffres de puissance et de couple se traduisent à l’usage par une poussée d’autant plus impressionnante que si les turbines à géométrie variable limitent le temps de réponse elles ne le suppriment pas, pour le plus grand plaisir des amateurs de coup de pied aux fesses. Ca n’en finit pas de pousser, vite et fort, vous arrivez souvent au limiteur de régime sans l’avoir cherché. Grâce au couple monstrueux, on change peu de vitesses, elle se conduit presque comme une automatique, en montant les rapports je saute systématiquement la troisième et la cinquième. Avec mes anciennes Porsche atmosphériques, je devais souvent rétrograder pour dépasser, avec la Turbo il m’arrive de monter un rapport pour éviter d’en changer pendant le dépassement. Avec certains passagers, je n’ose même pas garder le pied au fond en dépassant car la prise de vitesse est effrayante, à tel point qu’on est parfois au bord de la panique et à deux doigts de freiner. On peut atteindre sans effort des vitesses ahurissantes, songez qu’une ligne droite de 2 km suffit pour être à 280 km/h départ arrêté avec un passager et quelques bagages. A Dijon, j’étais à 250 km/h en bout de ligne droite, mais en sortant plus vite de Pouas, en réaccélérant plus tôt, en mettant tout le temps la gomme et en freinant très tard j’aurais facilement atteint 270 km/h, mais n’est pas Jabouille qui veut, et je préfère aussi en garder sous le pied. La voiture est devenue tellement confortable, aseptisée et équilibrée qu’on ne se rend absolument pas compte des vitesses atteintes, et c’est là que réside le danger. Quand je jette un coup d’œil au tachymètre numérique je n’en crois parfois pas mes yeux.
La Turbo est la grande routière par excellence. Tout paraît facile sur la route, rouler vite, accélérer, freiner, tourner, dépasser; les montées ressemblent à des descentes, même les ralentissements ne sont plus un pensum, on est tellement bien derrière son volant, un p’tit coup de Bose et le tour est joué. L’adhérence est phénoménale sous la pluie, il faut juste veiller à l’aquaplaning à cause de la largeur des pneus et ne pas hésiter à les changer bien avant qu’ils ne soient usés à la corde, disons au 2/3 de l’usure admise. Les pneus d’été d’origine ont tenu 12 000 km malgré 2 sorties sur circuit, un record pour moi, avec l’Audi RS4 V6 biturbo je devais les changer bien avant 10 000 km, avec la Lancer c’est plutôt à 8 000 km. Une preuve supplémentaire que le châssis est très équilibré et la motricité idéalement répartie.
Quid du circuit ? Etonnamment, on obtient de bien meilleurs chronos avec le PSM activé, qui ne freine pas l’auto mais se contente de la stabiliser. Constatation inverse pour le PASM en mode sport, où les chronos sont un peu moins bons. Le plus frappant sur circuit est l’impression de légèreté laissée par l’auto malgré ses 1 600 kg. L’absence de sous-virage permet d’accélérer plus tôt et plus fort. Les virages nous sautent littéralement au visage, ce qui laisse peu de temps entre eux pour bien se placer. Au-delà de la tenue de route, l’exploit de Porsche est d’avoir réussi à concevoir des freins qui résistent à un tel poids dans des conditions aussi difficiles. BMW mis à part, aucun autre constructeur ne lui arrive à la cheville dans ce domaine. L’arrière a tendance à décrocher dans les changements d’appui trop brusques ou lorsqu’on réaccélère trop tôt en sortie de virage, mais le PSM, le PTM et le différentiel arrière à glissement limité veillent au grain et préviennent dans une large mesure tout tête-à-queue intempestif.
Gardons la consommation pour la bonne bouche: une moyenne de12.9 l/100 km sur l’ordinateur de bord après 12 000 km, c’est vraiment incroyable, surtout que je ne suis pas du genre à rouler à l’économie, Porsche maîtrise très bien ce paramètre contrairement à d’autres constructeurs qui se croient prestigieux mais qui ne sont que prétentieux.
Voili voilou, vous me trouverez peut-être dithyrambique, c’est votre droit, mais je n’ai fait que relater la pure vérité, mâtinée il est vrai d’un brin de subjectivité.

BS